Alan Clarke est un réalisateur anglais assez méconnu dans nos contrées dont la production cinématographique ne manque pourtant pas d’intérêt. C'est en effet le réalisateur de Made In Britain, super film que tu as sûrement vu si tu t'intéresses un minimum au trip skin (dans le cas contraire t'as un gros trou dans ta culture et t'es un gros naze!), et de quelques autres bijoux dont je vais avoir le plaisir de vous entretenir ici.
Je profite donc de la sortie, pour la première fois (en France) en DVD d'un coffret regroupant trois de ses meilleurs longs-métrages et un des ses courts-métrages, pour évoquer son travail. J'avoue qu'avant de m'intéresser à ce coffret je ne connaissais que Made In Britain et que je suis particulièrement heureux d'avoir découverts le reste de sa production.
S’inscrivant dans la tradition du cinéma anglais contestataire et sociale (un peu à la Ken Loach mais en plus violent), Alan Clarke nous livre dans ces trois films des sujets durs et très violents mais surtout typiquement britanniques, petites parcels du mal être anglais. Le hooliganisme (The Firm), les skinheads et la révolte adolescente jusqu'au-boutiste (Made In Britain), les centre de détention pour mineurs (Scum), les tueries en Irlande du nord (Elephant)...
100% english, 100% cool !!
Tiens je vais faire le flemmard et vous balancez le paragraphe tout fait du coffret pour conclure cette introduction :
« Magistrales leçons d'humanité que ces films, parfois éprouvants, toujours haletants mais jamais empreints de désespoir car les hommes et les femmes qui les peuplent y déploient une incroyable énergie que la mise en scène d'Alan Clarke n'a de cesse de célébrer. Une mise en scène toute en épure, tendre, âpre et rock'n roll, en un mot, inimitable. Le cinéaste a ainsi bâti l'oeuvre la plus contestataire des années Thatcher sans jamais apposer un regard moralisateur. De nombreux réalisateurs actuels se réclament de son influence, tels Danny Boyle (Trainspotting), Gus Van Sant (Elephant), Stephen Frears (Les Liaisons dangereuses) ou encore Paul Greengrass (Bloody Sunday). »
SCUM (1979)
Initialement produit par la BBC (qui est un important moteur de la production cinématographique outre-manche) et réalisé à partir d'enquêtes réelles, le film, jugé trop violent et trop « critique », fut finalement refusé par cette dernière. Alan Clarke réalisa alors une version longue pour le cinéma qui sortit finalement deux ans après la fin du tournage de la version BBC de 1977.
Trop violent ce film l'était certainement pour les standards de la chaîne publique anglaise de l'époque.
SCUM se déroule intégralement au sein d'un Borstal (Borstal Breakout ça te dit quelque chose?), une des ces maisons de redressement pour mineurs, à mi-chemin entre le bagne et le camp disciplinaire. On suit l'arrivée de trois jeunes, Carlin, Davis et Angel qui vont tenter de survivre dans cette jungle infernale. Châtiments corporels, humiliations, privations, agressions et insultes racistes, le quotidien de ces jeunes n'est pas vraiment rose et le seul moyen de ne pas craquer est d'être pire que les pires (Carlin finira par s'imposer brutalement comme le « chef ») ou philosophe original mais désespéré comme Archer (le végétarien obstiné).
D'une violence incroyable, le film ne nous épargne rien du pire de ce que l'on peut vivre dans ce genre d'établissement, passages à tabacs quotidiens, insultes, viols, suicides, tout y passe... Et l'humanité de chacun disparaît peu à peu pour ne resurgir finalement que dans une dernière explosion désespérée après la mort d'un des trois arrivants...
Là où Dog Pound n'est qu'une pâle copie sans réflexion, SCUM est l'original réfléchi. A travers les personnages, et surtout Archer qui ne manque jamais de tourner le système en dérision, on comprend et on constate encore une fois que les privations, les humiliations et les sévices divers n'ont jamais rendus les hommes meilleurs.
Ce film ne laissera personne indemne. Choquante, dégoûtante et surtout révoltante, la démonstration d'Alan Clarke nous touche de plein fouet. Et je ne fus pas le premier puisque les Borstal furent finalement fermé en 1982.
Un film prodigieux et incontournable.
MADE IN BRITAIN (1982)
Le film le plus connu d'Alan Clarke, celui qui lancera la carrière du jeune Tim Roth, qui incarne alors Trevor, un jeune skinhead de 16 ans, rempli de haine et de violence contre à peu près tout (Tim Roth restera dans le milieu skin à l'écran l'année suivant dans Meantime, avec cette fois Gary Oldman en zéra). Le film débute avec la tête de Trevor en gros plan, sa croix gammée tatouée entre les deux yeux bien en évidence, sur un morceau d'Exploited (rien à voir on est d'accord mais le morceau va bien avec l'ambiance). Trevor qui s'entête dans une rébellion raciste absurde, s'attaquant à l'ANPE, aux vitrines pakistanaises (avec son copain noir), au cuistot qui veut pas le servir, s'attaquant à tout ou presque dans son délire paranoïaque et xénophobe...
Les éducateurs et autres assistants sociaux sont dépassés, personne n'arrive à le cadrer ni le comprendre et petit à petit il s'enfonce vers les Borstal et la prison, ce que tout le monde lui promet depuis le début.
Je vais pas m'attarder plus, c'est un classique, une géniale fresque urbaine de violence et de rébellion obstinée et désespérée. La performance de Tim Roth est hallucinante, il transpire tellement la haine et la violence qu'il rend Trevor fascinant.
Ce n'est évidemment pas un film sur le mouvement skinhead et n'en donne pas une image « juste » ou en tout cas pas complète mais ce n'est pas le principal.
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THE FIRM (1989)
Gary Oldman (Dracula dans le film de Coppola, l'inspecteur Gordon dans les derniers Batman, Jean-Baptiste Emanuel Zorg dans Le Cinquième Elément, Sirius Black dans Harry Potter, Sid Vicious dans Sid And Nancy!) est Clive Bissel, agent immobilier astucieux et père de famille dans l’Angleterre des années 80, qui devient « Bex » le week end, leader violent, charismatique et à moitié cinglé de l'ICC, une « firm » (ou « club ») de West Ham (très inspiré du réel ICF, L'Inter City Firm).
La coupe du monde en hollande approche et il est temps de décider qui sera le leader de l'union de tous les clubs rivaux de la région et ici c'est la loi du plus fort. Bex doit donc dégommer la gueule de tous ses concurrents pour prendre la tête du groupe.
Sans doute le film sur les hools le plus éloigné du foot que je connaisse. Ici il n'est quasiment jamais question de matchs ou d'équipe de foot mais uniquement de violence comme exutoire nécessaire à une vie trop calme. Alors que l'ICC regarde un documentaire bidon sur les hooligans dans le salon de Bex et que le présentateur annonce de nouvelles mesures pour débarrasser le football anglais du fléau du hooliganisme, tout le monde s'esclaffe et entre deux « Wanker ! Wanker ! » l'un d'eux dit « ils peuvent nous enlever le football, in nous restera toujours le ping pong et les échecs ! ». Hé ouais parce que la motivation première des protagonistes de l'ICC c'est la baston ! Le football n'a toujours été qu'un prétexte à des affrontements organisés.
Et des bastons on en voit pas mal et c'est pas joli joli, ça hésite pas à sortir le chlass, pour des conséquences assez dramatiques et gratuites.
Pas de jugements négatifs ni de descriptions romantiques de héros de la rue, le film montre simplement la violence comme elle est, laide, enivrante et lourde de conséquences.
On suit donc Bex, pendant à peine plus d'une heure, s'enfoncer dans sa folie destructrice, sa folie de pouvoir et de vengeance, allant jusqu'à sacrifier sa famille et plus encore pour assouvir son besoin d'adrénaline et de coups dans la gueule. Gary Oldman est formidable dans ce rôle, il incarne à la perfection un type violent et proche de la folie, flippant !
Si tu es attentif tu reconnaîtras un des habitués des clichés de Gavin Watson dans les figurants de l'une des bandes, comme quoi Alan Clarke sut s'entourer de types avec la gueule et la culture de l'emploi !
Un film dur (comme tous les films de monsieur) mais intelligent et juste.
Nick Love (réalisateur de Footbal Factory) en a fait un remake en 2009 dont j'ai seulement vu la bande annonce qui ne donne vraiment pas envie.
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ELEPHANT (1989)
Voila donc l'original auquel le film de Gus Van Sant de 2003 rend très clairement hommage. Elephant c'est 0 dialogues (ou presque) et 18 meurtres en 8 minutes. 18 inconnus assassinés à l'usine, à la piscine, à la station service, sur un chemin, sur un terrain de foot ou bien chez soi tout simplement... 18 autres inconnus avec des grands manteaux que l'on suit de longues minutes, de dos, dans des couloirs (ça te rappelle rien?), sur des chemins, dans des halls, jusqu'à ce qu'ils atteignent leurs victimes...
Que tout se passe à Belfast, en Irlande du nord, à la fin des années 80 n'est évidemment pas anodin.
Le principe est intéressant et audacieux et on comprend que ce soit adapté à la tuerie de Columbine mais c'est vrai aussi que c'est un peu répétitif et ennuyeux, disons qu'au bout du quatrième type qui se fait flinguer on a un peu compris le concept.
Scum est un putain de bon film!
RépondreSupprimerLe pote rocker de Jimmy (Phil Daniels) dans Quadrophenia y tient le rôle principal. D'ailleurs, dans Scum, Phil Daniels se prend une boule de billard dans la tronche si mes souvenirs sont bons.
Alan Clarke a aussi réalisé Meantime, c'est dans le même esprit, pas mal. On retrouve Phil Daniels (moustachu), Tim Roth et Gary Oldman (dans le rôle du neuski).
Si je peux me permettre, The Firm 2009 est pas si mal.
Merci pour ce blog.
Piero